Atelier "tuteurage de tomates"
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Lors de l’épisode précédent (voir reportage sur le pique-nique du 1er mai) je m’étais juré de revenir sans tarder à Montolieu dans un but scientifique à savoir : vérifier l’hypothèse selon laquelle il existerait un lien entre la saveur de la tarte au saumon et aux épinards de Framboise (ma douce), la passion de Michelle pour ses légumes et la magie de Vignard.
Rendez fut donné à 9 h sur le parking de la Halle. Après quelques minutes d’attente mises à profit pour papoter, nos 2 ornithologues maîtres es barbecue firent leur apparition et le cortège composé de 2 berlingots prit la direction du levant.
Le nom de code de cette nouvelle expédition en terre audoise découvert dans un courriel de Thibaut était "Tuteurage de tomates".
Le peu que j’en savais excitait ma curiosité machiste car c’était une mission d’hommes qui nous était proposée par l’animateur en chef des Racines CARRE.
La présence de Marie à nos cotés dans ce contexte "entrejules" ajoutait au mystère de ce dimanche à la campagne.
Arrivé sur le chemin menant au domaine, nous apercevons Michelle et Pierre Yves qui sont déjà à pied d’oeuvre.
Le temps de chausser les bottes et la répartition des tâches se fait selon des critères purement sexuels. Les filles mettront genoux en terre pour un désherbage des oignons tandis que les mecs prendront un peu plus de hauteur pour l’opération tuteurage.
Première étape : en équilibre instable sur des escabeaux, les plus braves d’entre nous doivent à l’aide d’une masse, qui ne contribue pas à stabiliser l’édifice, planter des piquets de métal tenus par les plus confiants (ou inconscients). Pierre Yves qui a compris que ma mission de photo reporter ne peut accommoder de ce genre d’acrobaties, me confie la tache de planter dans le sol les piquets qui permettront de tendre les fils de fer qui relieront les piquets de nos alpinistes à la masse.
Une fois ancrés dans le sol, ces piquets s’élèvent à près de deux mètres ce qui justifie à postériori ce qui semblait n’être à l’origine que discrimination sexuelle. Ces piquets étant percés à leur extrémité, il s’agit maintenant de les relier entre eux par un fil de fer . Cette manoeuvre exigeant une coordination parfaite entre le dérouleur de fil et le tireur.
Vient ensuite l’étape du plantage des tuteurs en bambou fournis aimablement par un voisin. Etape facilitée par les pluies de ces derniers jours mais relativement technique puisque prenant en compte la direction du vent, l’orientation du plant de tomate et la relative fragilité du matériau. Près de 200 bambous plus tard, l’étape la plus physique débute qui consiste à fixer au moyen d’un noeud chaque bambou au fil de fer tendu. Physique, car le noeud doit être réalisé avec un morceau de métal torsadé à la main afin de permettre au bambou de résister aux vents souvent violents dans la région. Etant doté de 2 mains gauches, plus habituées à caresser un clavier d’ordinateur qu’à bricoler, j’avoue humblement ne pas avoir été le plus habile dans cet exercice.
Michelle nous rejoint porteuse d’une mauvaise nouvelle. Les intempéries de ces derniers jours ont été fatales aux concombres. C’est dans ces moments que la solidarité des amapiens prend toute son importance et que nous mesurons combien malgré tous les efforts que Michelle déploie, la composition de nos paniers reste dépendante des aléas climatiques.
Mais l’heure du repas a sonné et comme chaque fois à Vignard (nous n’en sommes pas à notre première mission coup de main) c’est un grand moment de convivialité et de gourmandise. Nous nous réunissons dans le jardin où est érigé un grand phallus de pierre au milieu d’une végétation luxuriante. Le traditionnel muscat du Minervois accompagne les merguez de Pierre Yves et ce mariage inhabituel de saveurs réjouit les papilles au point d’éclipser la tarte aux poireaux cuite à point de Thibault.
Au cours de ce repas, la conversation prend une tournure étonnante qui doit être corrélée à ce vin doux naturel servi par Pierre Yves.
Montolieu, terre de culture, village de lettrés épargné par notre bon roi Nicolas, lieu de villégiature de grands écrivains : une fois encore, la magie allait opérer. Puisqu’en l’espace de quelques minutes la conversation allait s’élever pour atteindre une altitude inhabituelle pour un spectateur assidu de TF1. Durant cet espace temps, des mots fleurissent qu’on ne rencontre qu’en ce lieu : Ostiole, Blastophage, Parthénocarpie, Nématode.
Après une assiette de desserts accompagnée d’un café ou d’un thé à la cerise c’est le retour aux réalités du terrain.La reprise est traditionnellement difficile après les agapes montolivaines.
Mais le scé nario de cette journée est particulièrement bien ficelé. En effet après la partie matinale relativement physique c’est au paillage qu’il faut s’attaquer. Nous sommes rejoints par Marie et Michelle pour cette fin de mission qui consiste à étendre une litière de paille entre les rangs de pieds de tomate pour les préserver du froid. Rapidement un rayon de soleil est le prétexte à une sieste collective improvisée dont mon appareil numérique garde le souvenir consultable prochainement sur le site des Cassagnous. Sieste d’une durée d’une minute trente car ici le temps est précieux et le travail ne manque pas. Une fois les tomates dans leur écrin de paille, Michelle nous invite tous à abolir la barrière du sexe pour terminer l’arrachage des mauvaises herbes autour des oignons.
Lorsque nous relevons, nous constatons qu’un rapace nous survole. Un rapace que dis je, "un circaète Jean le Blanc" précise Antoine, un "circa" confirme Thibault, puis deux, puis trois qui nous réservent en cette fin d’après midi un ballet magnifique. Nos ornithos qui en ont pourtant vu d’autres restent espantés devant ce spectacle rare et en oublient presque d’immortaliser ce moment sur l’image.
Magie du lieu vous dis je ! En prenant le chemin du retour, je songeais aux tomates que je dégusterai cet été et qui, c’est certain, auront une autre saveur...